Nord-Kivu : plus de 400 recrues de l’armée cantonnées à Goma sans espoir de rejoindre les sites de formation

Plusieurs dizaines de jeunes recrutés pour aller faire l’académie militaire pour les uns et la formation des soldats des rangs pour les autres, restent cantonnés à la 34ième région militaire en ville de Goma (Nord-Kivu). Sans aucune information sur leur programme d’évacuation vers le centre de formation à Kananga, ces jeunes endurent des conditions de vie difficiles. Pendant que les mouvements citoyens s’indignent, l’armée attend la décision de Kinshasa. 

Plus d’un mois après leur recrutement, des jeunes ne savent pas ce qui se passe. RADIOMOTO.NET a visité ces recrues de l’armée la semaine du 18 septembre dernier. Des jeunes envahis par une profonde incertitude se souviennent de la situation de l’année passée, où plusieurs recrues avaient été retournées chez eux, sans parvenir à Kananga, alors qu’ils avaient déjà réussi le concours.

“Notre inquiétude est située à trois niveaux : En premier, il y a des recrues qui avaient été enregistrées l’année passée (2020), puis renvoyées à la maison, sans avoir rejoint le centre de formation à Kananga, nous avons peur que cette situation ne nous arrive. En deuxième position, Comme nos noms sont apparus sur le Télégramme, il nous faut rejoindre très vite le centre de formation, pour commencer la formation ensemble avec les autres. Mais ce qui nous inquiète, nous ne savons rien de ce qui évolue, nous ne savons quand et comment irons-nous. En troisième position, ici nous menons une vie pénible! Pas d’assurance médicale, quand on est malade, on se débrouille, ça nous plonge dans l’horreur. Nous pensions à notre niveau, que notre séjour ne serait que question d’heures… Mais aujourd’hui, l’avion n’arrive pas, ça ne nous rassure pas”, a laissé entendre ce jeune sous couvert d’anonymat.

Difficile de regagner la vie civile

Cet état des choses suscite des questionnements dans le chef de ces recrues. Entre regagner le domicile et la peur de s’adapter à la vie civile après plusieurs jours passés à déguster la vie militaire, en tout cas, l’emparas vaut son pesant.

“Nous ne savons pas si nous saurons nous adapter à la vie civile car nous venons de passer plus d’un mois dans la vie militaire. La conséquence dans tout ceci c’est que ces recrues déçus, risquent d’intégrer les groupes armés, pour avoir été déçus par cette vie.  Cher journaliste, comment comprendre que nous, qui avons accepté de nous sacrifier pour défendre le pays, nous retournions en cours de route sans atteindre le lieu de formation ?”, s’inquiète cet autre.

Et de poursuivre “Le moral qu’avaient ces jeunes recrues auparavant, n’est plus celui d’aujourd’hui. Ils ont perdu leurs boulots, ils ont accepté de s’enrôler dans l’armée car ne voulant pas intégrer les groupes armés, et alors quand ils traversent des situations pareilles à celle-ci, ils deviennent un danger pour la communauté”.

Des jeunes recrues sous une forte mobilisation pour être cantonnés ?

Le mouvement citoyen Lutte pour le Changement (LUCHA), indique avoir constaté cette “triste réalité”. La LUCHA s’interroge par exemple pour savoir comment le gouvernement peut hésiter de dépêcher ces recrues vers le centre de formation, alors que c’est bien lui qui n’a cessé de demander à la jeunesse d’intégrer les forces armées de la RDC, pour participer à la sécurité du pays.

Nous avons depuis un temps, constaté la présence de ces jeunes au niveau de la 34ième région militaire. Nous les voyons tout le temps couchés sur la pelouse du rond-point de la 34ième région militaire. Nous nous posons la question de savoir pourquoi ils traînent ici. Pouvons-nous dire que le gouvernement manque de moyens pour leur évacuation ?“, s’interroge la LUCHA à Goma.

Vouloir une chose et son contraire ?

Dans plusieurs rencontres avec les autorités civiles et militaires, ils nous ont toujours demandés de sensibiliser les jeunes à intégrer les forces armées de la RDC. Nous nous sommes donnés le courage de sensibiliser à Beni et ailleurs, mais sommes désolés de constater que le gouvernement bloque ces jeunes ici… Pourtant sur terrain, nous avons besoin d’eux pour bouter dehors l’ennemi ? Nous demandons au gouvernement Congolais de rendre très vite disponibles des moyens conséquents pour les acheminer vers le centre de formation, en vue de les rendre très utiles à la nation et combattre l’ennemi à Beni… Nous avons rencontré nombreux de ceux qui ont été jadis recrutés, en train de déambuler dans la cité, alors que nous on les croyait à Kananga,… Tu vois avec cette allure, ils deviennent aussi une menace contre la sécurité de la ville…“, opine John Anibale de la LUCHA.

Déterminés malgré tout

Malgré ce contraste, les recrues rencontrées se disent déterminées à servir sous le drapeau. Les recommandations qu’elles formulent, sont aussi les solutions à leurs inquiétudes.

“Nous demandons aux autorités de nous envoyer les frais de transport, pour rejoindre très vite le centre de formation. Nous sommes des volontaires, nous sommes déterminés à servir sous le drapeau et défendre jusqu’au prix-sang, notre pays que nous aimons tant“, soutient encore l’un de ces jeunes recrues de l’armée.

“L’armée est organisée”

Nous avons à maintes tentatives sollicité, sans succès, d’obtenir la réaction du porte-parole de la 34ième région militaire, pour éclairer la lanterne de l’opinion sur cette question. Toutefois, une source proche de la division des informations, sélection et orientation à la 34ième région militaire (DISO), a confié que la décision vient de loin.

“A notre niveau, nous ne sommes pas les décideurs, à propos de ces concitoyens recrues. La décision sur leur évacuation doit nous venir de l’état-major de Kinshasa. Malheureusement, nous ne pouvons pas influencer ladite décision. Si l’année passée nous avons connu des difficultés avec les promotions passées, c’était à cause de la pandémie à coronavirus. Que ces recrues prennent leur mal en patience, l’armée est le seul service où tout est organisé, et très bien réglementé, d’ici peu, ils rejoindront le centre de formation…”, a rassuré l’interlocuteur de RADIOMOTO.NET.

“L’armée n’est pas un domaine des ratés …”

Défendant la façon de faire de l’armée au sujet de ces recrues, cette source a poursuivi : “Ces gens qui critiquent l’armée, dites-leur que l’armée est un service des personnes disciplinées. C’est un service qui n’a besoin que d’hommes intègres, honnêtes, patriotes, de bonne moralité”.

Par ailleurs, poursuivent nos sources, ceux qui attendent s’en aller pour la formation et qui ont satisfait au concours de février 2021 dernier, sont environs 49 candidats pour l’académie ordinaire, 22 pour l’académie spéciale, 56 pour les sous-officiers ou encore 11 pour les médecins et plus ou moins 323 pour les soldats des rangs. Nombreux d’entre eux ont satisfait au concours de février 2021 dernier et les noms sont apparus sur la liste des résultats des vainqueurs, publiée en juillet 2021 dernier.

John Tsongo, à Goma

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