Problématique d’accès à la terre à Masisi : entre agriculteurs et concessionnaires, qui en paie le prix ?

Dans le territoire de Masisi (Nord-Kivu), vue la demande élevée en terres cultivables des agriculteurs vis-à-vis des concessionnaires pour la grande majorité pasteurs, le coût de location d’un hectare de terre pour la culture est cher. Et cela complique la tâche aux agriculteurs qui ont difficilement accès à la terre.

Ces révélations ont été faites à l’issue d’un sondage mené par RADIOMOTO.NET dans environs 10 Villages du territoire de Masisi, dont Karuba, Kagusa, Nturo, Kirolirwe, Kabati, Lushanga, Kitshanga.

En effet, le territoire de Masisi est aux côtés de celui de Lubero, l’un de ceux qui renferment un nombre impressionnant d’agriculteurs et d’éleveurs. Pour autant, des grands espaces sont occupés par les troupeaux des bovins et ovins et sont on dirait pris en otage par les grands concessionnaires terriens.

Zone potentiellement agricole, Masisi est alors exigu et les agriculteurs ont un accès difficile à la terre.

L’accès à la terre, un parcours de combattant

Les paysans sont obligés de chercher des terres qu’ils prennent en location auprès des concessionnaires qui sont de ce côté-là des bailleurs.

Si pour Kitshanga, Kirolirwe, Nturo et Kagusa, le prix d’accéder à un hectare de terre cultivable oscille autour de 300 et 400$, à Kagusa le prix va jusqu’à tripler, jusqu’à 800 voire 1000$.

« Ici chez nous, l’accès à la terre est cher. La location d’un hectare varie entre 700, 800 voire 1000 dollars et cela nous pénalise nous agricultrices », lance Heri Baluba Pascasine, présidente d’une organisation paysanne active dans le Masisi profond.

Ces habitants plaident pour l’implication de l’État et des partenaires divers (œuvrant dans le secteur agricole et foncier) à tous les niveaux dans cette question d’accès à la terre, car leurs vies et celles de leurs familles en dépendent.

Dans ce territoire, seulement 33% de la population est propriétaire des terres qu’elle cultive, lesquelles terres sont acquises soit par héritage (20 %) soit par achat (13 %), croit-on à une étude d’Action Contre la Faim / Enquête socioéconomique publiée l’an 2009.

L’adaptation à l’exiguïté des espaces cultivables pour quels risques ?

Aujourd’hui, pour chercher à produire plus sur des petits espaces disponibles, plusieurs agriculteurs de Masisi, ont, grâce aux acquis du projet PASA-NK (Projet d’appui au secteur agricole au Nord-Kivu) initié par le gouvernement Congolais, commencé à utiliser des fertilisants chimiques. Pourtant, ces pesticides présentent des risques d’acidification des sols. Avec cette allure, craint Marc N’tasi, membre d’une coopérative agricole de Karuba, dans le Masisi, les agriculteurs de ce territoire courent le risque de voir leurs terres dénudées par ces engrais.

« Si on ne fait pas attention, on risque de tomber dans la situation de l’Indonésie, qui, il y a 20, 30 ans, elle était première productrice du riz. Mais suite à l’usage excessif des fertilisants chimiques synthétiques, aujourd’hui l’Indonésie est le premier importateur du riz. Notre zone est en forte pente, et elle mérite des projets spécifiques d’installation des haies antiérosives, je sais que ça coûte cher, mais ça nous permettra d’amoindrir les chocs des pesticides sur nos sols, que nous sommes censés protéger car ils n’augmentent jamais mais la population qui en dépend ne fait que connaitre un flux démographique…», a en effet, expliqué Marc.

Spacieux de 4734 Km2 et peuplé de 843.396 habitants, d’après les données administratives de l’an 2020, le territoire de Masisi a vu ses terres expropriées par des immigrants rwandais depuis les années 1960 et amplifiés par des rebellions du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple), l’AFDL (alliance des forces de défense pour la libération) qui y installèrent des pâturages pour bovins, aux détriments des autochtones essentiellement agriculteurs.

Des pistes de solutions pour quelles issues ?

Pour tenter d’accélérer l’accès à la terre par des agriculteurs auprès des concessionnaires éleveurs devenus grands propriétaires des terres par « des procédures opaques », selon plusieurs autochtones, certaines organisations non gouvernementales de défense des droits environnementaux, tentent de jouer à la médiation pour une harmonie entre agriculteurs et éleveurs et un rapprochement de ces deux parties protagonistes. Mais le problème d’accès à la terre est loin de trouver solution dans cette partie où les éleveurs en majorité allochtones sont accusés de s’être arrogés même ses espaces de l’Etat.

John Tsongo

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