A l’Est de la RDC, la paix se meurt du jour au lendemain : Radioscopie des origines à nos jours sur le vécu en territoire de Masisi
Le territoire de Masisi, connait de plus en plus l’activisme des rebelles Nyatura, Mai-mai et Ntuma Defense of Congo NDC, pour ne citer que ceux-là. Entre fin aout et début octobre 2020, les incompréhensions entre les rebelles de la milice NDC, se sont soldées par leur éclatement en deux, l’aile NDC Rénovée conduite par Guidon Shimirayi et NDC, celle conduite par Bwira. Une situation qui réclame une solution urgente.
Le fondateur de ladite rébellion NDC, Tabo Taberi Tcheka, a été condamné lundi 23 novembre 2020 à Goma, par la cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu. Ce seigneur de guerre de grand chemin a été condamné à perpétuité pour viols, meurtres et crimes contre l’humanité, crime de guerre et enrôlement d’enfants dans son groupe armé ; faits qu’il a commis à l’endroit des populations civils dans les territoires de Walikale et Masisi entre 2009 et 2017, année où il se rendra à la MONUSCO. Cette condamnation semble n’avoir toutefois pas dit le dernier mot sur cette situation d’insécurité dans le Masisi.
Quels sont les facteurs de cette instabilité ?
Cette question suscite plusieurs réactions dans les esprits de plusieurs habitants, même si les toutes semblent converger.
Pour des habitants de la ville de Goma interrogés lors d’une interview d’opinion, l’insécurité dans le Masisi est due à la présence de la MONUSCO en RDC, la présence des populations Rwandophones incontrôlées, la non traque des rebellions, les conflits liés à la conquête des minerais, la manipulation politicienne et la mauvaise foi des propres fils de Masisi qui s’investissent eux même dans l’instigation de l’insécurité.
Modeste Amini Ntamugahumwa, président de l’union des jeunes pour la défense des droits des Agriculteurs et éleveurs du Nord-Kivu, structure basée jusque-là dans le Masisi, estime qu’en 95 % les conflits liés aux terres sont en tout cas à la base de l’insécurité dans ce territoire.
L’honorable Alexis Bahunga, député provincial élu du territoire de Masisi pour sa part, explique que les conflits identitaires, la conquête des terres, l’ingérence dans le pouvoir coutumier et enfin le positionnement géopolitique et stratégique de ce territoire de Masisi l’exposent en tout cas au drame sécuritaire. « Pendant un temps, il y a des populations qui sont venues du Rwanda, transplantées par des belges jusque dans le territoire de Masisi et après un long temps passé au niveau de ce territoire sans être reconnues comme Congolais, en un moment elles se sont senties privées de beaucoup de choses et elles ne se sentaient plus à l’aise d’être appelées Rwandaises ou Rwandophones».
Et de poursuivre : « Ces mêmes populations se sont retrouvées sans terres, après le départ des colons Belges et cela a fait que plusieurs d’entre elles envahissent les terres d’autrui, en les allouant et refuser de les restituer à leurs seigneurs par la suite, alors que la législation foncière coutumière différentie le vassal du seigneur. Les populations Rwandophones ont franchi cette étape et ont commencé à s’ingérer dans la question du pouvoir coutumier et réclamer leur association à la prise des décisions au niveau local, pourtant, le pouvoir coutumier est lié à l’histoire, il a ses règles, il est lié à la lignée et aucun étranger n’a aucun droit de revendiquer sa participation à la gestion coutumière », s’exclame Bahunga.
Cette incompréhension entre les populations autochtones et les populations Rwandophones au sujet du pouvoir coutumier, a fait que naissent plusieurs groupes armés. Ces groupes disent ne pas reconnaitre la légitimité de certains chefs investis en n’ayant pas qualité de l’être. Cela a créé des soulèvements dans les chefs des populations propriétaires de ce pouvoir et qui se retrouvent envahies. Ces personnes longtemps restées méconnues comme congolaises, l’ont été après un moment, elles ont occupé des grands postes stratégiques en politique elles sont ministres, elles sont députées et se disent maintenant: « Il est temps que nous puissions marcher sur ceux qui nous ont colonisés depuis longtemps et comme nous sommes déjà devenus démographiquement forts par rapport aux autres, nous devons chercher à les étouffer, cela étant, quand il y a élections, nous devons tout faire pour que les autres ne puissent pas gagner les élections » a dit Bahunga. Cette thèse se confirmant, en 2011 ; la contrée de Bahunde n’a eu aucun député national, alors qu’en 2006 elle en avait.
L’intégration des groupes dans l’armée, une entorse à la sécurité ?
« Pendant un temps, chaque communauté dans le territoire de Masisi, que ce soient les Tembo, les Bahunde, les Tutsi, les Hutus et les autres étaient liées à un groupe armé. Aucune communauté n’a créé un groupe armé, non ! Mais chaque communauté était presque liée à un groupe armé. Certains groupes armés des certaines communautés, ont été globalement intégrés dans l’Armée congolaise alors que certaines communautés avaient déjà bénéficié de certains avantages liés à la création du mouvement rebelle à l’époque du RCD. Avec le CNDP, on a intégré tous les groupes armés de certaines communautés ayant donc des contentions tribales, dans les FARDC. D’autres qui voulaient venir, appartenant à certaines autres communautés ; on leur a barré la route de s’intégrer dans les rangs des forces régulières », renchérit cet élu du peuple.
Voilà pourquoi, selon lui, aujourd’hui, il y a une communauté qui a une vingtaine ou une trentaine de généraux et par conséquent, plusieurs officiers militaires viennent de cette communauté-là ; alors que d’autres n’en ont pas. Conséquence, leurs groupes armés qui allaient aussi subir le même traitement que les autres sont toujours rejetés.
Des solutions à envisager
Elles sont listées par le député Alexis Bahunga.
La première solution c’est la lecture du passé : « avant 1986, toutes les communautés disséminées dans le Masisi à l’occurrence les Bahunde, Batembo, Bahutu, Batutsi, cohabitaient et il n’y avait aucun problème ».
La deuxième solution « c’est la sensibilisation ou alors la mise en garde des politiciens à cesser d’instrumentaliser les populations et amener les gens à s’accepter tous mutuellement, à vivre donc ensemble » ;
La troisième solution « c’est amener chacun dans son prestime d’Etat, c’est-à-dire : que chaque personne retourne dans la contrée où elle était avant la guerre de 1993, car cette guerre avait disséminé beaucoup de gens dans plusieurs zones de la république fouillant l’insécurité ».
Comme quatrième solution, il faut que les services de sécurité procèdent au ramassage des armes jadis distribuées dans la communauté à l’époque du RCD. « Ces armes là nous causent trop du tort. Aussi longtemps qu’on n’aura pas ramassé ces armes dans le territoire de Masisi, il n’y aura pas la paix dans ce territoire. Il faut qu’on lance une campagne de ramassage des armes éparpillées dans la communauté » ; propose notre interlocuteur.
La cinquième solution, c’est qu’il faut éviter l’égoïsme, la gourmandise, de chercher à étouffer les autres, il faut plutôt que les acteurs politiques acceptent de partager avec les autres, vu que Masisi est un territoire regorgeant plusieurs communautés, propose l’honorable Alexis Bahunga.
John Tsongo