RDC : les massacres continuels à l’Est du pays ; une conséquence de l’impunité des auteurs des crimes graves (Dossier)

Des citoyens continuent d’être tués et égorgés dans l’Est de la République démocratique du Congo. Depuis la publication du rapport Mapping à 2010, rien n’est fait ni en terme d’indemniser les victimes, encore moins en terme de condamnation des auteurs. Des analyses orientées dans ce sens jusqu’ici mentionnent que si la RDC continue à sombrer dans les grands ténèbres de l’insécurité, c’est parce que tous ceux qui sont responsables des crimes et violations graves tels que définis dans le rapport Mapping ne sont jamais traduits en justice. 

Nelly Lumbulumbu, coordonnatrice de l’ONG « Sauti Ya Mama Mukongomani », une organisation féminine engagée dans la lutte contre toute forme de discriminations et violations des droits de la femme, s’interroge pour savoir à qui profite la non application de ces recommandations.

« Pourquoi est ce que le rapport n’est toujours pas accepté au niveau international ? Pourquoi les actions ne se suivent pas ? Le fait que le rapport soit classé dans un tiroir, cela profite à qui ? Ce ne sont pas les congolais qui ont établi la définition de différents types des crimes. Notre souhait c’est que les recommandations issues de ce rapport soient appliquées : La création d’une chambre spécialisée en RDC, l’installation d’un tribunal international pour la RDC. Nous savons que ce qui se passe dans la région, ce sont plus les Etats qui peuvent les résoudre, pourquoi ça bloque ? Ça bloque à l’intérêt de qui ? Que les auteurs des crimes soient arrêtés et transférés devant les cours et tribunaux. Nous ne cesserons jamais de nous battre tant que cette situation ne changera. Les femmes de la RDC, ont droit à vivre dans la paix. Nous voulons que justice soit faite. La justice pour les femmes de Beni, la justice pour les femmes du Nord-Kivu et la justice pour toutes les femmes en RDC », lance-t-elle.

Et pourquoi les recommandations couchées dans le rapport Mapping sont restées lettre morte ?

« Une des raisons pour lesquelles les recommandations de ce rapport sont restées lettre morte, c’est que l’autorité régnante en RDC, est impliquée d’une manière ou d’une autre dans ce fait. Et s’il faut créer un tribunal spécial pour ce fait, c’est que cette autorité veut qu’on puisse la juger au point d’être condamnée. Ces animateurs des institutions actuellement qui ont contribué à ce que ces faits arrivent, sont prêts à être condamnés par le tribunal qu’ils auront eux même créé ? Je ne crois pas ! Même si aujourd’hui les Saasita et les autres peuvent se démener pour mettre en application les recommandations de ce rapport, aussi longtemps qu’on n’aura pas changé le système qui règne actuellement en RDC, on aura pas réussi à appliquer ces recommandations. Il faut donc le changement », tente de répondre le député provincial Kakule Saasita.

Et de poursuivre « Quand nous parlons des groupes armés en RDC, on sous-entend les ADF, les FDLR, les maï-maï, qui ont des armes, l’AFDL, avait des armes, les banyamulenges étaient dotés d’armes ; l’APC, avait des armes. Le rédacteur du rapport a établi les responsabilités. Lorsqu’il faut allusion au MLC, il a retracé ; quand il faut parler du gouvernement, il a retracé. Des responsabilités des politiciens, il a retracé. Les faits retracés sont des crimes contre l’humanité. Les auteurs ont été catégorisés pour chaque cas pour voir comment engager les responsabilités de tout et chacun dans ce fait là…. Lorsqu’on parle du RCD, il faut peut être Azarias, lorsqu’on parle du RCD/KML, il faut voir MBUSA, lorsqu’on dit MLC, on voit Jean Pierre Bemba ; Lorsqu’on dit RCD-N, c’est Roger LUMBALA. Hier, ils étaient des officiers des rangs, et s’il y a eu des faits, leurs mains ne manqueront là-bas, car ils ont été soit aux opérations ».

La part de la communauté internationale

Laurent Mugiraneza, analyste indépendant, pense pour sa part que l’hypocrisie de la communauté internationale a une grande part dans le calvaire qu’endure le congolais, en ce sens qu’elle peine d’abord à reconnaitre les violations définies dans le rapport comme crimes de guerre et crimes contre l’humanité et ensuite à faciliter l’arrestation des incriminés.

« C’est un rapport vrai, car il retrace les crimes commis en RDC. Malheureusement ce rapport est limité aussi car après sa publication, les crimes ont continué parce que depuis 1993, il y a des crimes et jusqu’aujourd’hui, il ya des massacres à Beni, en Ituri. Malheureusement, comme l’on note l’hypocrisie de la communauté internationale et les nations Unies qui appuient ces criminels. Nous voudrions que la justice fasse son travail, parce que le Congo est victime de beaucoup de massacres qui continuent jusqu’aujourd’hui. Il y a des mouvements de mafia au niveau de Beni, de Rutshuru, de l’Ituri, de Masisi,… Tout ça sont des crimes qui sont commis et les criminels doivent être punis pour que l’impunité cesse en RDC », préconise et analyste.

Et si l’on rendait publics les annexes du rapport Mapping ?

Le mouvement citoyen LUCHA, recommande lui, que les annexes retraçant les noms des criminels et autres auteurs d’exactions soient publiées, et que leur condamnation s’en suive.

« Nous avons demandé à toutes les autorités de notre pays, et à la communauté internationale, à travers l’ONU, de rendre public les annexes du rapport Mapping, retraçant les noms de ceux qui ont commis les crimes et violations des droits parce que, ces personnes citées sont celles qui nous dirigent dans notre pays. Sont celles qui ont le pouvoir militaire, économique. Que le Président de la République puisse s’impliquer pour que toutes les victimes obtiennent réparation, qu’on puisse avoir un tribunal pénal international pour le Congo. Amener toutes les autres institutions de notre pays à s’investir pour la création d’un fonds national pour les victimes de ces différents crimes et massacres commis dans notre pays depuis plusieurs années. Et nous pensons que c’est seule la lutte que nous menons, que nous allons mener, qui va nous amener à avoir gain de cause », laisse entendre Espoir Ngalukiye est militant de la LUCHA.

Le rapport Mapping, est un document de plus ou moins 570 pages, qui est le condensé de près de 617 évènements de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et autres violations graves des droits humains, perpétrées à l’endroit des plusieurs milliers des Congolais, entre 1993 et 2003, par des groupes armés locaux et étrangers.  Ce document a été élaboré par des experts des nations unies, à l’issue d’une enquête qui avait été diligentée, au lendemain de la découverte en 2005, de trois fosses communes au Nord-Kivu. Sa publication n’est intervenue qu’en octobre 2010. En octobre 2020, 10 ans plus tard, rien n’est fait ni en terme d’indemniser les victimes, encore moins en terme de condamnation des auteurs. De quoi s’inquiéter.

John Tsongo

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