Nord-Kivu : 6 questions à Edgar Mateso qui quitte la société civile pour la politique

Premier Vice-président de la coordination provinciale de la société civile du Nord-Kivu depuis le 18 juillet 2018, Katembo Mateso Edgar a décidé de quitter la structure citoyenne pour se préparer aux élections de décembre 2023 comme candidat député. Cette interview précise les raisons et motivations de cet acteur, qui attend se choisir sa classe politique après avoir fait un « glissement involontaire » à la tête de la société civile depuis le 18 juillet 2022. 

 

Est-ce que vous confirmez votre départ de la société civile pour vous préparer aux élections de 2023 ?

Edgar Mateso : Ce n’est pas faux. La nouvelle circule déjà depuis le 16 mai 2023, que Edgar Mateso entre en Politique. Et pourquoi le 16 mai ? C’est parce qu’en date du 14 mai il y avait Assemblée générale du Syndicat des enseignants du Congo, où il fallait discuter sur qui pourrait encore représenter les enseignants dans la sphère politique. Pour autant que les enseignants ont beaucoup de problèmes, il faut quelqu’un qui puisse les suivre pas à pas dans la sphère politique ; soit comme député ou un mandataire politique qui puisse avoir l’accès facile dans les institutions pour répondre. Et le choix a été porté sur moi.  C’était une Assemblée générale où les écoles se font représenter. Je voudrais ici rappeler qu’en entrant à la coordination de la société civile, on vient comme délégué d’une structure. Et moi je suis entré à la coordination urbaine de la société civile de Butembo à partir du syndicat, le SYECO qui m’avait recommandé. Et donc j’étais là au compte de cette structure. Et à la coordination provinciale, je suis entré pour le compte de la coordination urbaine. Vous comprenez donc que c’est le syndicat des enseignants qui m’a envoyé à la société civile.

Vous « abandonnez » la société civile à son triste sort ? 

Edgar Mateso : Nous avons été élu, au niveau provincial le 18 juillet 2018. Le mandat étant de 4 ans renouvelables par élection, normalement notre mandat prenait fin le 18 juillet 2022. Et donc, nous sommes en train d’aller vers une cinquième année de surplus. Pourquoi nous ne sommes pas allés aux élections ? Pendant que toutes les coordinations étaient déjà informées et préparées, subitement la guerre du M23 est venue et a coupé la route. Il n’y avait plus la possibilité de déplacer les gens. Et pourtant dans ce processus il y avait encore d’autres préalables ; notamment, nous venions de finir les élections à Masisi, à Walikale, à Beni ville et territoire, à Butembo, à Lubero ; il nous restait les élections à Nyiragongo, à Rutshuru et à Goma puis organiser les élections provinciales. En principe, en date du 18 juillet 2022, je devrais cesser d’être premier vice-président de la coordination provinciale, à la suite des élections.  Nous étions donc déjà fin mandat.

Edgar, vous avez profité de la notoriété de la société civile pour vous positionner en politique…

Edgar Mateso : J’ai déjà entendu quelqu’un d’autre faire une telle analyse. Il est possible que c’est cela s’il faut réfléchir vraiment de manière négative. Il y en a qui vont même jusqu’à dire que beaucoup de gens profitent de cette notoriété pour se faire propulser en politique. Malheureusement on oublie qu’il y en a aussi qui passent par là pour devenir des grands humanitaires. Ils entrent dans des institutions et dans d’autres organismes à partir de la société civile. Le tout dépend de la manière dont on s’est comporté et dont on a géré son mandat pour se propulser ici ou là-bas. Mais je voudrais noter une chose aussi que je suis entré à la tête de la société civile, d’abord à la coordination urbaine de Butembo comme premier vice-président, j’étais déjà licencié et j’avais été élu parce que j’avais déjà une certaine notoriété. J’ai mis mon énergie, ma connaissance, même quelquefois mes avoirs (Parce que nous n’avons pas de salaire à la société civile), au profit de cette société civile. Et nous avons même risqué nos vies. A un certain moment, j’étais obligé de fuir la ville, parce que j’étais recherché. Comme pour dire que quelque part, la société civile a aussi profité de ma notoriété, parce que je ne suis pas venu à la société civile pour apprendre ; j’étais déjà un cadre universitaire, un cadre scientifique. Assistant, je participais déjà à des grands forums, s’il faut considérer la société civile comme coordination. Il faut juste dire que c’est un rendez-vous du donner et du recevoir.

Quelle est votre tendance politique ?

Edgar Mateso : Oui oui. Les gens doivent le savoir. Je quitte la société civile pour une société politique. J’ai comme l’obligation d’adhérer à un parti politique. Mais je voudrais demander à ceux qui veulent le savoir d’être patients, ça ne doit pas trainer. Je continue à analyser et à comprendre, nous sommes scientifique ; nous avons été formé en Philosophie. On n’entre pas comme les moutons de panurge où le vent souffle et nous amène comme des papillons. J’ai le temps de comprendre comment fonctionne ce monde politique, parce que là je deviens également novice. Les gens doivent le savoir. Ce ne sera pas un secret.

Les gens (Journalistes, enquêteurs, chercheurs…) se sont beaucoup intéressés à vous comme acteur de la société civile, supposé jouer à l’intermédiaire. Là vous devez choisir un camp, Edgar. Un mot ?

Edgar Mateso : Merci. Je ne savais pas que les gens comptaient autant sur moi. Je pensais que j’étais en train de rendre service comme tout le monde… J’agis souvent au nom de ma formation. J’ai été formé comme philosophe, spécialiste à la question sociale. Donc, j’ai fait l’orientation Philosophie et Société. Ce que j’avais comme analyse en tant qu’acteur de la société civile, relevait parfois de mes connaissances de la formation académique. Le même service que j’étais en train de rendre, je vais le rendre, mais curieusement sous un drapeau X. Bien sûr, la tendance, oui, mais il y a quand même des évidences qui nous obligent de dire A lorsqu’il s’agit de A, et de B lorsqu’il s’agit de B. Et je ne souhaite pas qu’au nom de l’appartenance à une classe politique, que B devient A. Ce serait trahir ma formation et mes formateurs. La garantie c’est que je pourrais encore offrir le meilleur de moi-même dans une sphère beaucoup plus rapprochée des preneurs des décisions. Parce que parfois, nous faisions des analyses, mais qui pouvaient finir sous forme des recommandations à prendre ou à laisser, et là, c’est le décideur qui pouvait les transformer, ou alors les rejeter. Mais ici, c’est une sphère des politiques qui sont appelés à prendre les décisions sur les recommandations de la population.

Aucun succès sans successeur. Est-ce vrai ?

Edgar Mateso : Les choses à la société civile ne se passent pas comme dans des partis politiques où quelqu’un qui conçoit peut même définir qui va lui succéder. On a vu certains leaders politiques mourir et leurs fils prendre la relève. Ce n’est pas le cas à la société civile. Là, c’est la population, regroupée à travers les associations, qui décide sur les électeurs, les candidats, le mode des élections… A la société civile on ne peut pas dire je laisse tel et quand je vais quitter, c’est lui que vous allez mettre à ma place, non.

Un mot pour conclure ?

Edgar Mateso : Ce que je peux placer comme dernier mot c’est de demander à tous ceux qui nous ont accompagné en tant qu’acteur de la société civile, de ne pas être déçus,  mais de trouver que nous leur amenons un plus en allant là où nous voulons entrer.

Interview réalisée par Visesa Louangel

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